`Ventriloque' from the Encyclopédie (1765)

VENTRI-LOQUE s. m. (Médicin) ce nom est formé des deux mots latins venter, ventre et loqui, parler; il répand au grec engastrimuthos; on s'en sert en médecin pour désigner des malades qui parlent la bouche fermée, et semblent tirer les paroles de leur ventre. Galen, in exeges, vocum. Hippocr. Hippocrate fait mention de ces sortes de malades (epidem. lib v. & vii.). il dit qu'on entend dans leur poitrine des sons très distincts, semblables à ce que rendent certaines devineresses inspirées par Python; voyez l'article suivant VENTRILOQUE (art divinitat); et il attribue cet effet aux collisions de l'air qui en traversant les bronches, rencontre des matieres visqueuses, épaisse, qui s'opposent à la sortie. Saloman Reiselius parle d'un célèbre buveur célibataire, âgé de 36 ans, nommé André Stocklin, qui etoit plus exactement ventri-loque; cet homme déjà sujet à bien d'autres incommodités, sentoit depuis 6 ans des bruits assez considérables dans son ventre, assez analogues au sifflement des viperes; les domestiques qui entendoient ce bruit ne doutoient pas qu'il ne fût produit par quelque animal; le malade rapportoient ces sons au-dessous de l'estomac, et quelquefois il le sentoit monter jusqu'au cardia, ce qui lui excitoit des douleurs très-vives; ce bruit augmentoit, aprés qu'il avoit mangé des alimens doux, et les amres les dissipoient; cet homme étant mort, et son cadavre ouvert, on trouve les intestins et l'estomac si distendus par les vents, qui, à la moindre pression rendoient un son assez sensible, à-peu-près semblable à celui qui se faisoit entendre dans cet homme vivant (ephemer. natur. curios. decad. II. ann. vij. observ. 13) Il n'est pas difficle de trouver le raison de ces phénomenes; le bruit étoit évidemment produit par les intestins distendus, lorsqu'ils rouloient l'un sur l'autre, ou qu'il survenoit quelque spasme; et si ce spasme s'étendoit jusqu'à l'orifice supérieure de l'estomac, l'air n'ayant plus d'issue, distendoit ce viscere, occasionnoit une colique venteuse, excitoit la douleur; les corps doux ou muqueux sont ceux qui contiennent le plus d'air... 

VENTRI-LOQUE (Art divinitat) devineresses connues aussi sur les noms d'engastrimuthoi et engastrimanteis, qu'on croyait rendre des oracles par le ventre; voyez Foësius oeconom. Hippocrat. Cette espece de divination est appellée par Aristophane euruklyeousmanteia, à cause d'un certain Eurycle, qui étoit bien décidement ventri-loque, et qui étoit affiché pour devin à Athènes; cependant elle paroît avoir été particulierement réservé aux pythonisses, auxquelles on donnoit indistinctement ce nom, et celui de ventriloque: les traducteurs de l'ancien et du nouveau Testament ont toujours rendu engastrimuthoi ou ventriloque par pythonisse. Voy. ce mot. Telle étoit celle dont il est parlé (Reg. lib I cap 28) qui évoqua l'ombre de Samuël à la priere de Saül. Telle est aussi, suivant S. Augustin (de doctr. christian, cap xxiii. lib II), cette femme dont il est question (act. apostol. c. xvi) qui étoit inspirée par Python. 

On doit distinguer deux facons de rendre les oracles par le ventre, pour faire accorder les auteurs qui ont écrit sur les ventri-loques; les uns ont assuré avec Ciceron (de divinitat. lib II) qu'elles recevoient le démon dans leur ventre, d'où elles tiroirent les réponses qu'ellles rendoient par la bouche; ils nous répresentent la pythonisse de Delphes montée sur le trépié, ecartant les jambes et attirant par en-bas l'esprit fatidique, ensuite pénétrée de cet esprit, entrant en fureur et répondant les oracles. Suivant d'autres, ces devineresses prophétoisent, la bouche fermée, faisant avec le ventre certains bruits qui signifioient tout ce que le spectateur crédule et intéressé vouloit; c'est à ces ventri-loques que Hippocrate compare les malades dont nous avons parlé. Voyez l'article précedent VENTRI-LOQUE, Médecin

Il y a aussi des ventri-loques, suivant Tertullien qui rendoient les oracles par les parties de la génération; un auteur moderne a dans un badinage ingénieux métamorphosé les femmes en ventri-loques de cette espece; Caelius Rhodoginus assure avoir vu une femme qui l'étoit réellement. cap x. lib VIII 

Adrien Turnebus rapporte qu'un homme qui couroit les pays, pouvoit, sans remuer les levres, faire un bruit assez considérable, et proferer distinctement quelques paroles, et qu'il tiroit beaucoup d'argent de tous ceux qu'un phénomene aussi singulier attiroit après lui. (m)  
 
 

 Encylopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, ed. Denis Diderot and Jacques d'Alembert, Tom. 17 (Neufchastel: Samuel Faulche, 1765), pp. 33-4.

Compiled by Steven Connor. as part of The Dumbstruck Archive, a continuing, online supplement to Dumbstruck: A Cultural History of Ventriloquism (Oxford: Oxford University Press, 2000).