Machine Parlante (1882)


 
On a plus d'une fois construit des machines acoustiques dont les sons, engendrés par le passage d'un courant d'air dans une anche, reproduisaient tant bien que mal le son de la voix. 

On assure, dit M. Milne-Edwards dans ses Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux, qu'une tête parlante fut construite en bronze par Gerbert, qui, en 999, monta sur la trône pontifical sous le nom de Sylvestre II. 

Albert le Grand avait construit en terre une machine analogue, que son disciple Saint Thomas d'Aquin aurait brisée. Le P. Kircher paraît en avoir possédé une semblable. 

Vers 1770, l'Abbé Mical inventa un appareil du même genre qui excita pendant longtemps l'intérêt du public, mais qui, n'ayant pas procuré à son auteur les récompenses qu'il ambitionnait, fut détruit par lui dans un accès de dépit. 

Quelques années plus tard, en 1773, un savant russe, Krantzenstein, reçut de l'Académie des sciences un prix pour l'invention d'une machine prononçant les voyelles. 

A peu près à la même époque, un Autrichien du nom de Kempelen imagina un appareil faisant entendre la plupart des voyelles et certaines consonnes. Il paraît même qu'elle prononçait très nettement ces phrases: "Leopoldus secundus Romanorum imperator." - "Vous êtes mon ami."" - "Je vous aime de tout mon coeur." 

En 1828, un physicien anglais, Robert Willis, construisit une machine émettant toutes les voyelles, et fit sur les tuyaux à anches de curieuses expériences que Wheatstone poursuivit et compléta. 

Enfin, récemment, un ingénieur, M. Fabert [sic], a exposé plusieurs fois en public une machine parlante, où il s'est appliqué à imiter, d'une manière générale, les organes de la phonation. L'appareil comprend trois parties distinctes: 

1. La soufflerie, destinée à envoyer un courant d'air dans les tuyaux; 
2. L'appareil producteur du son, dont le principal organe est une anche mobile en ivoire, pouvant se déplacer de manière à changer le hauteur de son produit; 
3. L'appareil articulant, destiné à produire les voyelles et les consonnes. 

Voici la description qu'en a faite M. Gariel, professeur de la Faculté de médecine de Paris: 

Les consonnes sont dues à l'action de pièces dont le fonctionnement est analogue à celui des lèvres, des dents, et de la langue. Un moulinet spéciale produit le ronflement de l'R. Toutes ces pièces et tous ces organes sont mis en mouvement par quatorze touches qui sont ingénieusement disposées de manière à faire agir, avec l'intensité convenable et dans l'ordre nécessaire, les organes destinés à produire une syllabe. Le nombre de quatorze touches est suffisant, parce que, à l'aide de touches accessoires, on peut faire varier le caractère d'une consonne du fort au faible, etc. Les voyelles sont dues au passage de l'air à travers des ouvertures de diverses formes, pratiquées dans des diaphragmes qui viennent successivement se placer sur le passage du courant d'air, sous l'action de leviers mus par des touches; de plus, une cavité spéciale, qui peut être mise en communication avec le précédente, est destinée à produire les sons nasaux; la communication se produit à volonté par un levier spéciale. 

Cette nouvelle machine parlante n'est certainement pas parfaite, mais, au point de vue scientifique, elle constitue un appareil fort remarquable en ce qu'il reproduit avec beacoup d'exactitude le mécanisme de la phonation. Son ingénieux inventeur espère lui faire articuler plus nettement et d'une manière moins monotone les intonations si variées de la voix humaine. 

Magasin Pittoresque (Feb, 1882), p. 43. 
 

 

Compiled by Steven Connor. as part of The Dumbstruck Archive, a continuing, online supplement to Dumbstruck: A Cultural History of Ventriloquism (Oxford: Oxford University Press, 2000).